« La France n’a pas colonisé l’Algérie. Elle l’a fondée »

Ces mots ne sont pas ceux d’un nostalgique de l’Algérie française mais de Ferhat Abbas ex leader du FLN et président de la République algérienne au temps du GPRA (1958).

Mais alors que penser des dernières déclarations du président Tebboune qui réclame l’édification à Paris d’une immense statue de l’Émir Abdelkader, héros national de la résistance à la conquête française. Selon ses propres mots ceci reste une condition sine qua non à une réconciliation franco-algérienne ?

Pour en rajouter il déclare tout récemment que l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal détenu depuis 45 jours dans les prisons algériennes pour atteinte à la sureté de l’état (désormais en unité de soins intensifs) est un imposteur envoyé par la France.

Comment sommes-nous parvenus à un tel niveau de blocus relationnel entre la France et l’Algérie ?

Un peu d’histoire

On l’oublie souvent mais avant 1830 l’identité algérienne n’existait pas. Les populations qui y vivaient étaient d’origine berbère, phénicienne, romaine et de religion majoritairement chrétienne. Ce sont les Arabes, peuple nomade du Moyen-Orient qui ont envahi toute l’Afrique du Nord et converti de force toutes ces populations. 

Au XVIème siècle profitant du chaos répandu par les Espagnols et des divisions existantes entre les tribus de la région les Ottomans prirent le contrôle du territoire avec Alger pour capitale. Pendant près de 3 siècles la piraterie et la barbarie se développèrent.

A la différence d’autres puissances colonisatrices comme les Américains avec les Indiens, les Britanniques avec les Aborigènes ou encore les Turcs avec les Arméniens la France ne massacra pas les peuples des territoires conquis. Bien au contraire la France mit un terme définitif aux exactions meurtrières des Ottomans et soigna toute la population grâce à ses capacités médicales. La population passa alors d’1 million en 1830 à 10 millions en 1962.

La France participa activement au développement du pays en construisant des barrages, des routes, des écoles, transformant une agriculture moyenâgeuse en une agriculture raisonnée, riche, prospère et exportatrice. Elle désarma les tribus tout en respectant la langue arabe et la religion musulmane. 

La mise en place d’une infrastructure durable (encore utilisée aujourd’hui) fut capitale pour l’État naissant de l’Algérie, nom donné par la France en 1839, qui remplaça « le pays de Barbarie ». 

La situation algérienne 

Soutenu par l’armée et les généraux le président Tebboune a donc remporté en septembre dernier son second mandat dont le scrutin était connu d’avance. Karim Tabbou avec son collectif d’intellectuels le qualifia de « mascarade électorale sous la dictature » ce qui lui vaudra un emprisonnement de plusieurs mois.

La crise de l’Ukraine va favoriser la reprise des recettes des hydrocarbures et redonner du tonus à l’économie algérienne qui tire 90% de ses revenus grâce à la vente du pétrole et du gaz. Tebboune va profiter de cette manne financière pour acheter la paix sociale à coups de subventions tout en multipliant de nombreuses arrestations d’opposants. Priorité est donnée à l’agriculture chancelante mais surtout aux équipements militaires (16 milliards d’euros soit + que la France) afin de favoriser la colonne vertébrale du régime avec ses nombreux généraux lesquels vont accélérer l’autonomisation de l’armée et intensifier les prises de contrôle des moyens de production.

La guerre froide est totale avec son voisin le Maroc pour deux raisons : le contentieux du Sahara Occidental avec le Front Polisario qu’Alger continue de soutenir et la normalisation des relations entreprises par Mohammed VI avec Israël. En rétorsion Alger fermera le gazoduc Maghreb-Europe alimentant l’Espagne et le Portugal via le Maroc.

La Position française

Emmanuel Macron n’a pas dérogé aux présidents précédents qui n’ont jamais su ou pu effacer voire assouplir les tensions récurrentes entre les deux pays. Deux rappels d’ambassadeurs algériens ont eu lieu depuis 2021.

Au centre des tensions demeure la « question mémorielle » que Macron dès son arrivée à l’Élysée entendait bien apurer. Il ira même en 2017 jusqu’à prononcer un discours qui va scandaliser la communauté des pieds noirs mais aussi bon nombre de français qui n’entendent pas, et à juste titre, déconstruire et réécrire l’histoire en déclarant que « la colonisation est un crime contre l’humanité ».

Depuis deux ou trois années Macron continue à souffler le chaud et le froid avec son sempiternel « en même temps ». D’une part il va faire allégeance en visitant et fleurissant la tombe de Boumediene ce qui va choquer là encore une très large communauté française. D’autre part et suite à la mauvaise volonté algérienne à récupérer ses ressortissants sous OQTF il dénonce un « système politico-militaire ». Plus récemment il ouvre une nouvelle porte en laissant espérer l’ouverture d’un colloque pour travailler sur l’époque coloniale ainsi que la probable restitution d’objets emblématiques d’Abdelkader. L’assemblée nationale française a de plus l’an passé voté une résolution condamnant la répression sanglante des algériens en 1961 sous l’autorité du préfet Papon.

Le durcissement des relations 

Lors de la visite officielle de Macron au Maroc en octobre dernier la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental par la France a bien évidemment immédiatement déclenché l’ire de Tebboune, dossier qu’il gère avec son cabinet noir pour un soutien sans failles au Front Polisario.

C’est dans ce contexte que Tebboune a tenu à envoyer un message fort à la France en conférant une dimension exceptionnelle au 70ème anniversaire du déclenchement de la « glorieuse guerre de libération » avec un défilé militaire de près de 3 heures et un parterre d’invités des pays voisins. 

La situation actuelle en Algérie 

Le pays est totalement régenté par l’armée et les milieux associés ainsi que les courants islamistes sous-jacents. Grâce au conflit en Ukraine les devises sont rentrées en masse avec les ventes de pétrole et de gaz mais pourtant rien n’a changé dans le pays où l’économie reste plus que jamais une économie de rente.

En revanche la volonté française de mieux contrôler l’immigration pourrait remettre sur la table les accords du 27 décembre 1968 qui laisse libre circulation aux algériens et aux pieds noirs ce qui pouvait combler à cette époque « un vide juridique » créé par les accords d’Évian. Depuis lors cet accord a dérapé et profite largement à la communauté algérienne qui bénéficie en plus d’avantages significatifs dont des visas touristiques pour les conjoints sans compter les facilités octroyées pour le rapprochement familial. Un nouveau point de discorde que le gouvernent algérien n’est pas près de vouloir négocier comme on peut l’imaginer.

L’immigration algérienne représente plus de 60% des premiers titres de séjour délivrés. Aujourd’hui les algériens représentent le plus fort contingent de migrants qui viennent pour des raisons familiales et non professionnelles et la première communauté de nationalité étrangère sur le sol français. Tout ceci permet à l’Algérie de s’installer de façon de plus en plus massive chez l’ancien colonisateur.

Le président Tebboune qui a une nouvelle fois dénoncer et reporter sa visite officielle à Paris a déclaré que les algériens devraient bénéficier des avantages acquis pendant 132 ans soit la durée de la colonisation française. Rien que cela !

De plus l’ingérence algérienne se fait de plus en plus forte au niveau de la politique interne française notamment par le biais de la Grande mosquée de Paris qui relaie les messages du pouvoir algérien. A l’occasion des dernières élections le recteur appelait les partis républicains à « s’opposer fermement à l’extrême droite ». Il est vrai que le programme du RN si on veut l’assimiler à ce mouvement, a de quoi les inquiéter (remise en cause accord de 68, conditions d’emploi et limitation de séjour des algériens en France). L’écrivain Boualem Sansal pronostiquait même qu’en cas de victoire du RN le pouvoir algérien ferait tout en son pouvoir pour rendre la France ingouvernable (rupture des contrats de gaz, djihad des islamistes sur le sol français). 

A l’heure où le débat sur l’immigration sera prépondérant dans les semaines à venir au Palais Bourbon et face à l’UE il va donc falloir que Paris se montre intraitable et parvienne à forcer Alger à récupérer ses algériens sous OQTF et faire réviser cet accord de Paris de 68 qui n’a plus du tout sa raison d’être.

Quel sera l’homme fort pour mener ce combat ?

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