Après 53 années de règne sans partage de la dynastie Assad sur la Syrie, Bachar al-Assad a quitté le pouvoir le 8 décembre 2024 pressé par Moscou et sous la pression des forces rebelles HTC qui ont déferlé sur Damas sans rencontrer la moindre résistance.
Ces derniers temps aucun indice validé n’a filtré pour étayer la résurgence de forces rebelles depuis le nord de la Syrie et la zone kurde. C’est pourquoi l’attaque lancée le 27 novembre n’a pas manqué de surprendre le pouvoir syrien ainsi que les observateurs internationaux. Cette soudaine incursion avait pour premier objectif la prise d’Alep. Tout s’est alors très vite emballé avec les rebelles qui s’emparèrent dans la foulée de la vile d’Homs, centre industriel au symbolisme important pour le soulèvement syrien. 48 heures après les rebelles se présentaient à Damas. Lâché par ses troupes, Bachar al-Assad n’avait d’autres options que de quitter le pays. On peut aisément imaginer que les foyers de guerre entretenus au Liban et à Gaza ont laissé des espaces vides en Syrie. Avec l’appui du Qatar et de la Turquie il ne leur en fallait pas plus pour lancer leur offensive considérant que toutes les planètes étaient alignées.
Réminiscence de guerre froide
Durant toutes ces dernières années le soutien de la Russie et de l’Iran aura été sans failles permettant à Assad de se maintenir au pouvoir. C’est ainsi que cette assistance militaire a pu contrebalancer voire bloquer le bloc occidental dirigé par les États-Unis. Quand les combats éclatèrent en 2011 en Syrie les tensions mondiales qui s’en suivirent ont rapidement rappelé l’époque de la guerre froide.
Les accords passés en 2014 entre Obama et Erdogan pour équiper « l’opposition syrienne » avec pour but de renverser l’administration al-Assad ont fait long feu. Une fois de plus les américains ont connu des désillusions malgré les 500 millions de dollars investis ainsi que les milliers d’armes distribuées.
La France sous la houlette du président Hollande ne fut malheureusement pas en reste dans cette contribution financière et militaire plus qu’hasardeuse. Cette posture française n’aura fait que précipiter de très nombreux départs de musulmans français pour mener leur Djihad en Syrie aux côtés de Daech où nombre d’entre eux résident encore.
Quel découpage des forces en Syrie
Les frappes aériennes menées par les États-Unis ont largement contribué à rayer l’État islamique de la carte. Il reste dès lors quatre zones de contrôle plus ou moins reliées entre elles :
- Les zones du nord contrôlées par l’armée turque
- Les zones du nord-est contrôlées par les FDS
- Idleb et les zones environnantes sous contrôle des rebelles qui ont perdu le soutien américain mais conservé celui de la Turquie
- Et l’administration al-Assad qui détenait Damas et les bastions alaouites de Lattaquié et Tartous.
Qui a perdu ?
La Russie
La chute soudaine et imprévisible du régime d’al-Assad est à rechercher dans les limbes du conflit russo-ukrainien. Moscou n’a jamais caché que son objectif majeur est de reprendre pied et sécuriser ses territoires russophones en Ukraine. De fait le cout de ces opérations a contribué à mettre à mal le soutien financier et militaire apporté à la Syrie, ce que Poutine ne peut plus se permettre.
Il est intéressant de suivre le devenir de la base russe de Tartous où stationnent de nombreux bâtiments russes. Le Kremlin sera-t-il toujours en mesure de la conserver avec ce nouveau régime ?
L’Iran
Ce pays grand soutien de la dynastie Assad a lui aussi jeter l’éponge de par la duplicité de ses foyers d’intervention et des conflits régionaux entre le Hezbollah au Liban, les groupes chiites au Yemen et en Irak. La chute du régime syrien est un coup dur pour Téhéran et son influence face à la guerre menée par les israéliens sur Gaza et le Liban.
A n’en pas douter les deux mécènes ancestraux qu’étaient l’Iran et la Russie vont suivre de près la mise en place du HTC qui est une résurgence du Front islamique al-Nosra petit frère d’al-Qaïda bien connu pour son opposition à Israël.
C’est bien pourquoi Netanyahu s’est empressé de déplacer des milliers d’hommes sur le plateau du Golan. Il suivra avec intérêt le type de régime mis en place à Damas.
Qui a gagné ?
Erdogan par ses déclarations semble satisfait de la chute du régime Assad sans pour autant confier un total blanc-seing au HTC.
Qui est le nouveau leader du HTC ?
Ahmed al-Chaara sous son nom de guerre al-Joulani chef de la coalition rebelle veut donner des gages à l’égard de la communauté internationale après avoir reçu les délégations diplomatiques françaises et britanniques.
Il a demandé la levée des sanctions afin de laisser libre cours à la reconstruction du pays. Il veut de plus dissoudre toutes les factions combattantes et les intégrer dans l’armée
Il tient à afficher sa fracture avec l’ancien régime jugé sanguinaire sans pour autant afficher le mode de régime qu’il va mettre en place se réfugiant pour le moment derrière la tenue prochaine d’un congrès national.
Il invite par ailleurs tous les réfugiés à rentrer au pays pour participer à sa reconstruction. Il peut tout aussi bien intégrer par le biais d’une loi les nombreux combattants djihadistes dont beaucoup de français.
Prônant la paix entière avec les pays voisins il nous reste à suivre de très près l’évolution de ce régime dans les prochains mois et s’il ne connait pas de dérive islamiste dont l’ensemble de ces combattants sont issus. En revanche rien n’a été dit quant à la situation des kurdes qui pourraient une nouvelle fois faire les frais d’un nettoyage, coincés qu’ils sont entre la Turquie et le HTC !!
Pistes de réflexions
La délégation française a-t-elle obtenu des garanties quant à la structure du prochain gouvernement ? N’est-elle pas allée trop vite dans l’adoubement de cette rébellion ?
La présence américaine dans l’’est de la Syrie est forte d’environ 2.000 hommes. Officiellement elle a pour mandat la lutte contre le terrorisme mais n’est-elle pas maintenue pour protéger l’exploitation du pétrole et du gaz syrien qui représentent 75% des recettes d’exportation ?
Par ailleurs le nouveau chef de la Syrie al-Chaara vient d’assurer le Liban qu’il ne mènerait aucune action offensive vers ce pays voisin !
Les mois à venir vont très vite nous informer de la forme structurelle que va prendre ce nouveau régime syrien.